Une deuxième voix pour les 40 études de Popper
Le projet de Xavier Gagnepain
« Dans ce passage, je ne te l’cache pas…je fais les notes mais, franchement, j’y comprends pas grand chose !»
Au beau milieu d’une étude de Popper op.73, cette réflexion, d’une grande honnêteté, m’est venue d’une de mes étudiantes – pourtant parmi les mieux armées artistiquement. Cela ne m’a surpris qu’à moitié : il n’est jamais simple, dans une pièce d’écriture monodique, de parvenir à restituer les harmonies sous-jacentes.
C’est d’ailleurs ce qui rend les Suites de Bach si difficiles pour certains. Et, dans un langage romantique, c’est encore plus vrai car le cheminement harmonique y est souvent plus tortueux. Et il n’est pas facile à démèler lorsqu’il n’est pas clairement explicité par un accompagnement.
Cette étude n°21 étant une œuvre imposée pour le concours d’entrée au CNSMP, plusieurs de mes élèves l’avaient aussi à leur programme. Je me doutais, dès lors, que la plupart d’entre eux éprouveraient de grandes difficultés à imaginer l’harmonie par eux-mêmes.
Dans un premier temps je me suis mis au piano pour leur faire entendre les harmonies implicites. Puis, de retour chez moi, j’ai essayé d’améliorer pour eux ces esquisses d’accompagnement au piano. C’est alors que m’est venue l’idée d’une solution plus immédiatement efficace : tenter de restituer dans une partie de second violoncelle la trame harmonique de cette étude. Mes élèves pourraient alors s’accompagner l’un l’autre.
Au terme d’un intense travail de tout un week-end, je suis arrivé le lundi suivant avec cette seconde voix que je venais d’éditer sur Finale. Lorsque j’ai commencé, devant un groupe d’élèves, à accompagner mes étudiants dans leur étude, un ange est passé dans la classe! Tous étaient littéralement subjugués. Ils sont repartis – regonflés à bloc dans leur envie de travailler cette étude – avec, en main, la partition de violoncelle II qui allait alimenter leur travail de la semaine.
Lors du cours suivant, c’est moi qui fus épaté ! Ils avaient tous atteint, en une semaine, un niveau que je n’aurais même pas attendu d’eux en un mois. Que ce soit l’intonation, la logique rythmique, le son ou l’expression, tout avait d’évidence grandement bénéficié de l’exposition à cette seconde voix.
Cette expérience m’a convaincu – s’il en était besoin – de l’intérêt qu’il y aurait à réaliser le même travail pour les 39 autres études ! Encore fallait-il trouver le temps et l’inspiration. Le confinement 2020 m’a donné le premier, il me restait à me creuser les méninges… Je me suis alors résolu à essayer de terminer chaque jour une première mouture de l’accompagnement pour chaque étude.
La tâche était ardue : d’abord retrouver le chemin de l’harmonie que Popper avait imaginée, puis trouver un moyen convaincant de la restituer au second violoncelle, et surtout tirer sur le bon fil de l’orchestration pour rendre le tout séduisant, sans jamais alourdir le discours de la voix principale ni emmener l’étude où elle ne va pas. Je n’ai pas compté mes heures !
Chaque soir, j’ai pu vérifier le résultat de mon travail en réalisant un petit enregistrement audio par dessus le formidable disque de l’AFV « Le Couronnement de Popper ». J’ai alors envoyé certains de ces petits enregistrements maison à de proches amis et collègues. Leurs réactions enthousiastes m’ont convaincu de mener à terme ce travail et incité à en envisager la publication.
Une nouvelle édition augmentée pour les 40 Etudes de Popper
Depuis que s’est répandue la nouvelle de la naissance d’un accompagnement des 40 études de Popper pour second violoncelle, le monde du violoncelle attend avec impatience sa publication. Ça sera chose faite aux Editions Buissonnières.
La nouvelle édition comportera trois volumes : une nouvelle édition Urtext des 40 études respectant toutes les indications originales de Popper (avec commentaire critique), un conducteur à deux violoncelles et une partition séparée de second violoncelle. Ce travail de retour au texte original de Popper était d’autant plus indispensable que la récente parution de ces études aux éditions Bärenreiter a semé une certaine
confusion.
En confiant au violoncelliste Martin Rummel une refonte importante des indications de l’auteur, l’éditeur a en effet rompu avec sa tradition consistant à publier des Urtext rigoureux. Il est regrettable d’avoir, par cette démarche, privé le violoncelliste d’une source précieuse reflétant le savoir-faire d’un des plus grands maitres de l’histoire de son instrument.