Oui parce que Nietzsche a une sorte de réputation de "proto NS" et que les NS n'étaient pas vraiment démocrates, il est vrai. Mais, au fond, c'est très vague. Beaucoup de penseurs n'ont pas été les contempteurs de la démocratie.
Je poste en extrait, le fameux prologue :
Nietzsche a écrit :Lorsque Zarathoustra eut atteint sa trentième année, Il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s'en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s'en lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, - et un matin, se levant avec l'aurore, il s'avança devant le soleil et lui parla ainsi :
" 0 grand astre! Quel serait ton bonheur, si tu n'avais pas ceux que tu éclaires?
Depuis dix ans que tu viens vers ma caverne : tu te serais lassé de ta lumière et de ce chemin, sans moi, mon aigle et mon serpent.
Mais nous t'attendions chaque matin, nous te prenions ton superflu et nous t'en bénissions.
Voici! Je suis dégoûté de ma sagesse, comme l'abeille qui a amassé trop de miel. J'ai besoin de mains qui se tendent.
Je voudrais donner et distribuer, jusqu'à ce que les sages parmi les hommes soient redevenus joyeux de leur folie, et les pauvres, heureux de leur richesse.
Voilà pourquoi je dois descendre dans les profondeurs, comme tu fais le soir quand tu vas derrière les mers, apportant ta clarté au-dessous du monde, ô astre débordant de richesse !
Je dois disparaître ainsi que toi, me coucher, comme disent les hommes vers qui je veux descendre.
Bénis-moi donc, œil tranquille, qui peux voir sans envie un bonheur même sans mesure!
Bénis la coupe qui veut déborder, que l'eau toute dorée en découle, apportant partout le reflet de ta joie !
Vois ! cette coupe veut se vider à nouveau et Zarathoustra veut redevenir homme. "
Ainsi commença le déclin de Zarathoustra.
(…)
Lorsque Zarathoustra arriva dans la ville voisine qui se trouvait le plus près des bois, il y vit une grande foule rassemblée sur la place publique : car on avait annoncé qu'un danseur de corde allait se montrer. Et Zarathoustra parla au peuple et lui dit :
Je vous enseigne le Surhomme. L'homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu'avez-vous fait pour le surmonter?
Tous les êtres jusqu'à présent ont créé quelque chose au-dessus d'eux, et vous voulez être le reflux de ce grand flot et plutôt retourner à la bête que de surmonter l'homme?
Qu'est le singe pour l'homme? Une dérision ou une honte douloureuse. Et c'est ce que doit être l'homme pour le surhumaine ; une dérision ou une honte douloureuse.
Vous avez tracé le chemin qui va du ver jusqu'à l'homme, et il vous est resté beaucoup du ver de terre. Autrefois vous étiez singe, et maintenant encore l'homme est plus singe qu'un singe.
Mais le plus sage d'entre vous n'est lui-même qu'une chose disparate, hybride fait d'une plante et d'un fantôme. Cependant vous ai-je dit de devenir fantôme ou plante?
Voici, je vous enseigne le Surhomme !
(…)
Quand Zarathoustra eut parlé ainsi, quelqu'un de la foule s'écria : " Nous avons assez entendu parler du danseur de corde; faites-nous-le voir maintenant! " Et tout le peuple rit de Zarathoustra. Mais le danseur de corde, qui croyait que l'on avait parlé de lui, se mit à l'ouvrage.
(…)
Quand Zarathoustra eut dit ces mots, il considéra de nouveau le peuple et se tut, puis il dit à son cœur : " Les voilà qui se mettent à rire; ils ne me comprennent point, je ne suis pas la bouche qu'il faut à ces oreilles.
Faut-il d'abord leur briser les oreilles, afin qu'ils apprennent à entendre avec les yeux? Faut-il faire du tapage comme les cymbales et les prédicateurs de carême? Ou n'ont-ils foi que dans les bègues?
Ils ont quelque chose dont ils sont fiers. Comment nomment-ils donc ce dont ils sont fiers? Ils le nomment civilisation, c'est ce qui les distingue des chevriers.
C'est pourquoi ils n'aiment pas, quand on parle d'eux, entendre le mot de " mépris ". Je parlerai donc à leur fierté.
Je vais donc leur parler de ce qu'il y a de plus méprisable : je veux dire le dernier homme. "
Et ainsi Zarathoustra se mit à parler au peuple :
Il est temps que l'homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l'homme plante le germe de sa plus haute espérance.
Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y croître.
Malheur ! Les temps sont proches où l'homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc né sauront plus vibrer!
Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos.
Malheur! Les temps sont proches où l'homme ne mettra plus d'étoile au monde. Malheur! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même.
Voici! Je vous montre le dernier homme.
" Amour? Création? Désir? Etoile? Qu'est cela? " Ainsi demande le dernier homme, et il cligne de l'œil.
La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron; le dernier homme vit le plus longtemps.
" Nous avons inventé le bonheur ", - disent les derniers hommes, et ils clignent de l'œil.
Ils ont abandonné les contrées où il était dur de vivre : car on a besoin de chaleur. On aime encore son voisin et l'on se frotte à lui: car on a besoin de chaleur.
Tomber malade et être méfiant passe chez eux pour un péché : on s'avance prudemment. Bien fou qui trébuche encore sur les pierres et sur les hommes!
Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement.
On travaille encore, car le travail est une distraction. Mais l'on veille à ce que la distraction ne débilite point.
On ne devient plus ni pauvre ni riche : ce sont deux choses trop pénibles. Qui voudrait encore gouverner? Qui voudrait obéir encore? Ce sont deux choses trop pénibles.
Point de berger et un seul troupeau! Chacun veut ta même chose, tous sont égaux : qui a d'autres sentiments va. de son plein gré dans la maison des fous.
" Autrefois tout le monde était fou ", - disent ceux qui sont les plus fins, et ils clignent de l'œil.
On est prudent et l'on sait tout ce qui est arrivé c'est ainsi que l'on peut railler sans fin. On se dispute encore, mais on se réconcilie bientôt - car on ne veut pas se gâter l'estomac.
On a son petit plaisir pour le jour et son petit plaisir pour la nuit : mais on respecte la santé.
" Nous avons inventé le bonheur ", - disent les derniers hommes, et ils clignent de l'œil.
Ici finit le premier discours de Zarathoustra, celui que l'on appelle aussi " le prologue "; car en cet endroit il fut interrompu par les cris et la joie de la foule. " Donne-nous ce dernier homme, ô Zarathoustra, - s'écriaient-ils - rends-nous semblables à ces derniers hommes! Nous te tiendrons quitte du Surhumain ! " Et tout le peuple jubilait et claquait, de la langue. Zarathoustra cependant devint triste et dit à son cœur :