Spiccato Sautillé, suite de la suite...

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Pierre LAGOUTTE
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Spiccato Sautillé, suite de la suite...

Message par Pierre LAGOUTTE » sam. févr. 11, 2006 10:35 am

Le nombre et la diversité de vos réponses montre qu'il est difficile de supprimer l'ambiguïté de ces termes. Peu importe, on s'en bornera à la conclusion d'Intermezzo: "prendre son biniou et se débrouiller avec les dénominations pourvu qu'on sache faire les deux coups d'archet selon leur affectation dans le contexte musical."

-Je voudrais seulement revenir sur le "sautillé lourd" (tout le monde est d'accord sur son exécution au voisinage de la hausse, ce qui justifie son appellation).

-Lorsqu'on doit provoquer chutes et rebonds de l'archet près de la hausse, on doit gérer le poids entier de l'archet en porte à faux dans la main. La préhension doit être ferme. La sonorité doit être "ronde", aussi bien au tirer qu'au pousser. Le plus souvent, on obtient de bons tirers, bien sonores, et des poussers plus ou moins sifflants (à cause des harmoniques indésirables). Cela tient au fait que le geste de tirer doit être différent du geste de pousser. Il conviendra donc d'étudier séparément ces deux gestes en exécutant une série de courts tirers rebondissants au voisinage de la hausse, série suivie d'une seconde série de courts poussers rebondissants. On pourra observer l'égalité ou l'inégalité des sons obtenus en comprenant la différence gestuelle.

- En effet, les deux gestes ont une forme spiralée, hélicoïdale (qui fait décrire à la hausse et à la pointe de l'archet des trajectoires circulaires), mais l'impulsion gestuelle circulaire vient du poignet au tirer... et du coude au pousser. On comprendra que si on s'obstine à faire les tirers et les poussers du seul poignet, on ne réussira pas les poussers, cas le plus fréquent.

Qu'est-ce qui donne la forme spiralée à ces gestes?

- C'est le travail des muscles et des os de l'avant-bras par le mécanisme de la prono-supination (torsion en sens alterné du radius sur le cubitus ou du cubitus sur le radius, selon le sens). Je pourrais décrire très en détail ce précieux mécanisme, qui permet de porter les aliments à la bouche en orientant la main vers la préhension des aliments, puis vers la bouche, mais je renvoie les lecteurs intéressés au "Cours de Physiologie articulaire" du docteur I.A. Kapandji (mon conseiller et ami de longue date) tome 1 "Le membre supérieur".

- Après avoir obtenu, consciemment, une sonorité ronde aussi bien au pousser qu'au tirer dans ces séries de sélection, on viendra à l'alternance des tirers-poussers, avec de bonnes chances de réussite.

- A noter que l'inclinaison de l'archet varie à mesure qu'on passe de la corde de do à celle de la, ce qui modifie le "porte à faux" dans la main. Il y a donc un ajustement à obtenir en fonction de cette évolution.

- Evolution également dans la quantité de crins à amener à la corde: toute la largeur sur la corde de do, puis, sur les autres cordes, la mèche venant en appui sur son bord côté touche: peu de crins sur la corde de la.

- Evolution supplémentaire en ce qui concerne le choix du point de chute de l'archet entre le chevalet et la touche. On conseille généralement au débutant de jouer à mi-distance entre chevalet et touche, mais on affinera ce choix en s'approchant de la touche dans le jeu sur la corde de do et en s'en éloignant progressivement à mesure qu'on passe aux cordes plus aigües.

- Encore une observation relative à l'acoustique des cordes frottées: toute mise en vibration commence par une très courte période " transitoire", instant de "pagaïe" entre les formants du son, qui ne doit pas se poursuivre. Le son définitif doit s'installer normalement si le geste de mise en vibration est correct. Ces notions ont été évoquées lors d'une récente journée consacrée précisement à l'acoustique des cordes frottées, organisée à l'E.N.M. de Bourg la Reine par l'A.F.V. J'y étais...

- Ces observations, qui relèvent de la biomécanique en même temps que de l'acoustique, montrent la complexité des mouvements de chutes-rebonds de l'archet.

- A la vérité, beaucoup d'élèves quittent les écoles de musique sans avoir maîtrisé le jeu d'archet rebondissant... qu'on l'appelle spiccato, sautillé, ou autrement !
Pierre Lagoutte, chercheur en biomécanique appliquée au geste instrumental, tous instruments confondus.