Spiccato / Sautillé

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cello57
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Spiccato / Sautillé

Message par cello57 » lun. janv. 30, 2006 3:22 pm

Bonjour,

Quelle est la différence entre le spiccato et le sautillé ?
Et comment ces deux coups d'archet se travaillent-ils ?

Merci d'avance pour vos lumières.

cello57

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Pierre LAGOUTTE
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Message par Pierre LAGOUTTE » ven. févr. 03, 2006 8:15 pm

Spiccato ou Sautillé ?

Voici des sources de renseignements au sujet de cette distinction de vocabulaire:
- Extrait de l'ouvrage "Science de la Musique", Dictionnaire édité par Bordas: dans le tome "Technique, formes, instruments, page 954: SPICCATO: désigne, dans le jeu du violon (mais également du violoncelle), un coup d'archet qui consiste à enlever et à poser l'archet sur la corde entre chaque note. Le spiccato, exécuté rapidement donne le sautillé...
Et, dans le même ouvrage, au terme SAUTILLE: "coup d'archet exécuté rapidement sur une portion très réduite du milieu de l'archet. Par l'effet de sa propre élasticité et de la vitesse, l'archet rebondit légèrement sur la corde..."

- Extrait du traité "L'Enseignement du Violoncelle", de Casals-Alexanian, page 203: "Ne tombons pas dans l'erreur usuelle, par quoi l'on réunit sous le même nom deux coups d'archet dont le seul principe commun est le rebondissement des crins. Le "spiccato" est un papillonnement de l'archet, rapide et menu... Il ne peut être que consécutif à une mise en train... Pour l'arrêter ou le ralentir accidentellement, un effort spécial est nécessaire...
Le "saltellato" peut, tout au contraire, se régler à volonté... L'élan du saltellato résulte d'une chute assez lourde de ses crins, aussitôt renvoyés à leur niveau primitif, au-dessus des cordes. Dans le "spiccato", le déplacement horizontal de l'archet ne doit pas dépasser un centimètre environ. On ne peut évaluer l'élévation qu'en millimètres..."

Je ne donne qu'un court extrait de l'analyse d'Alexanian. Il conviendra de lire le texte entier dans le traité cité (qui date de 1922).

Même si on a bien compris les conseils d'Alexanian, il restera à les mettre en pratique... après s'être mis d'accord sur les définitions qui varient d'un auteur à un autre, comme on le voit!

Passons donc à la pratique!

Dans le Traité d'Alexanian, après les définitions, suivent plusieurs pages de conseils d'exécution: fautes à éviter, schémas montrant le travail de la main, de l'avant-bras et du bras, et des exercices d'approche.

On pourra aussi consulter l'ouvrage de Paul Tortelier "How I Play, How I Teach", en anglais (J'en ai fait une traduction française pour mes amis violoncellistes, mais il existe une traduction de l'épouse du violoncelliste, Maud Tortelier, que l'on trouve en librairie). Le Spiccato et le Sautillé sont examinés pages 41 à 44 : conseils d'exécution et exercices d'approche. Tortelier donne même les procédés de Feuillard et de Bazelaire.

- On consultera encore un ouvrage irremplaçable du professeur Victor Sazer "New Directions in Cello Playing".

J'arrête là cette documentation mais il existe bien d'autres traités et méthodes qui proposent des exercices d'approche et de maîtrise du
spiccato et du sautillé, sans trop s'attarder sur les oppositions dans les définitions.

Dans les exercices d'approche, il convient d'apporter une attention particulière à la tension de la mèche de crins. Pour les chutes et rebonds "contrôlés", commencer par un archet peu tendu (on contrôle mieux au début les chutes et rebonds d'un ballon que d'une petite balle).

Si on veut bien me permettre une remarque personnelle d'expérience: la maîtrise de ces coups d'archet s'obtient surtout en commençant par ce que j'appelle le JEU BAS, que j'ai évoqué maintes fois dans mes messages précédents: revoir "ENSEIGNER N'EST PAS JOUER" ,parce que la neutralisation du poids du bras droit (sens strict du terme) donne à la main sur l'archet, et à l'avant-bras toute leur souplesse et leur légèreté, toute leur délicate sensibilité motrice... Et repérer le centre de gravité de l'archet par un point blanc sur le côté de la baguette qui fait face à l'exécutant.
Pierre Lagoutte, chercheur en biomécanique appliquée au geste instrumental, tous instruments confondus.

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cello57
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Spiccato / Sautillé

Message par cello57 » sam. févr. 04, 2006 2:32 pm

Merci beaucoup Pierre de m'avoir consacré autant de temps pour répondre à ma question.

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Pierre LAGOUTTE
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Message par Pierre LAGOUTTE » dim. févr. 05, 2006 11:53 am

Sautillé, Spiccato, suite...
Voici divers compléments et précisions:

- L'ambiguité des deux termes est source de confusion dans l'interprétation. Je propose deux dénominations plus évocatrices de l'exécution: pour le coup d'archet "papillonnant", selon le terme d'Alexanian, je dirais "sautillé léger", et pour le coup d'archet plus "structuré", je proposerais "Sautillé articulé".

Avis de recherche lancé à tous pour d'autres dénominations possibles. On peut facilement conserver l'expression "Sautillé lourd", généralement employée pour une exécution proche de la hausse.

Revenons à l'exécution:

Le déclenchement des deux premiers sautillés est inverse: le sautillé léger est initié par un enfoncement léger et prompt de la baguette (au voisinage de son point de courbure maximal). On produit ainsi un effet de "ressort". C'est la détente de cette compression qui fera rebondir l'archet, très peu: revoir les indications données par Alexanian dans son Traité. Cette succession d'enfoncements-rebonds sera conduite et contrôlée par l'association du pouce et de l'index, le pouce venant assez en-dessous de la baguette.

Les autres doigts seront très libres. Les mouvements de tirers-poussers qui se combineront avec les enfoncements-rebonds seront d'une amplitude insignifiante. Ce type de sautillé demande une grande habileté mais on ne s'inquiétera pas de ne pas le maîtriser car il ne figure que dans des oeuvres de haute virtuosité !

- Le "sautillé articulé" est une succession de chutes et de rebonds de l'archet ou bien, au départ, mais plus difficilement, une ferme compression de la baguette accompagnée d'un vif tirer, ce qui entraînera en réaction l'archet dans un rebond nettement plus au-dessus de la corde. La suite d'un tel départ sera une succession de chutes et rebonds.

La forme de la main, dans la conduite du sautillé articulé mérite une description précise: en effet, cette forme doit allier fermeté et souplesse, deux caractères difficiles à associer! Pour la fermeté, le pouce devra se tendre, et non pas se fléchir.

Rappelons un conseil péremptoire de Bernard Greenhouse: "Je joue habituellement avec le pouce droit tendu. Ne fléchissez pas le pouce car il perd toute sa force !"

Cette recommandation trouve surtout son application dans l'exécution des coups d'archet rebondissants. En outre, encore un conseil de Greenhouse, "Appuyez le pouce non pas sous la baguette, mais sur le côté et même quelque peu vers le haut". Si, après avoir joué quelques notes en sautillé articulé, vous enlevez le pouce de l'archet, vous observerez que la trace d'enfoncement de la pulpe de la dernière phalange est oblique et traverse pratiquement toute la dernière phalange.

C'est le moyen de donner au pouce toute la force de résister à une forte compression venue des doigts. Notons, à la suite des physiologistes, que la colomme du pouce travaille toujours en compression, une compression plus ou moins forte selon les situations de jeu.
La fermeté de préhension de l'archet sera assumée par une forte flexion des quatre doigts rassemblés au niveau de leur dernière phalange sur l'archet. Et la souplesse ? Ce sera l'affaire des deux premiers doigts, mais surtout de l'index qui viendra prendre appui sur la baguette par la pulpe de sa troisième phalange quelque peu "crochetante" par une légère flexion.
L'index enregistrera et contrôlera les fins mouvements de chutes et rebonds de l'archet car c'est le doigt le plus mobile et le plus sensible, après le pouce qui, lui, doit résister à de fermes compressions.

C'est le "sautillé lourd" qui montre le mieux ce travail de la main à l'archet. En effet, c'est dans le jeu au voisinage de la hausse (à deux ou trois centimètres de la bague métallique) que le poids de l'archet s'exerce le plus fortement en "porte à faux" sur la main.

L'exécution du sautillé lourd sur la corde de do ne pourra pas être rapide à cause de la largeur des fuseaux de vibration de cette corde.
Le pouce viendra sur le côté de la baguette, comme je l'ai dit plus haut. Les mouvements de l'archet auront une forme sinusoÏdale et non pas strictement perpendiculaire à la corde.
L'attaque, en particulier, aura la forme d'un arc de cercle "gauche". A noter que, bien que l'oreille soit un bon juge de la qualité des sons obtenus, de leur netteté et de leur égalité au tirer et au pousser de l'archet, l'oscillateur cathodique serait le juge le plus impartial !

Lorsqu'on passe, toujours en sautillé lourd, sur les cordes suivantes, dans l'ordre III,II,I, l'archet exerçant de plus en plus sa pesée passive dans la main, le pouce devra assumer un effort croissant de compresion par les doigts. Il viendra progressivemment de plus en plus sur le côté en "remontant" contre la baguette. Il aura quitté totalement l'encoignure entre hausse et baguette.

- On devine aisément que, lorsqu'on reviendra au jeu "à la corde", ces efforts de préhension de l'archet s'atténueront nettement, et que le pouce reprendra sa place "habituelle".

On pourrait ajouter encore bien des précisions à notre analyse, mais tout ceci est plus facile à montrer avec l'archet en main que par des mots et des phrases!

- Je terminerai par une observation relative au traité de Paul Tortelier "How I PLAY, How I Teach". Comme on le voit, il est publié à l'origine en anglais parce que l'auteur a bien compris qu'un public de lecteurs français serait insuffisant pour assurer la vente du traité, alors qu'un public de langue anglaise est infiniment plus rentable ! (Et l'éditeur est allemand par-dessus le marché). D'ailleurs, parmi les accros du forum, combien connaissent le traité de Tortelier ?...
Pierre Lagoutte, chercheur en biomécanique appliquée au geste instrumental, tous instruments confondus.

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tico63
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Message par tico63 » dim. févr. 05, 2006 10:34 pm

Une description plus que complete...Mais c'est vrai que c'est deux termes assez proche...

Moi je considere le sautillé plus léger que le spiccato que je vois comme tres piqué alors que le sautillé est plutot articulé et rebondissant par lui mm...a l'inverse du spiccato qui est plus forcé, attaqué!

Le sautillé est tres dur a obtenir je trouve... Je commence a peine a y arriver, et c'est beaucoup de bonheur, parce que c'est pas facile... (je sais je me répete.)

Le spiccato me parait plus simple a obtenir! Il suffit d'y aller franchement, alors que le sautillé est dans la maitrise et la détente!