Message
par Pierre LAGOUTTE » dim. mars 05, 2006 10:08 am
Tes remarques sont pertinentes. C'est un peu distraitement que j'ai proposé l'index en premier pour apprendre à vibrer... parce que je vibre facilement avec tous les doigts.
En fait, le majeur (deuxième doigt) est plus favorable car il est l'axe de la main : axe des deux voûtes, la voûte longitudinale et la voûte transversale. J'ai déjà dit ça dans d'autres messages et cité des références d'ouvrages qui traitent du sujet.
Tu dis que tu vibres facilement avec le quatrième doigt. C'est normal malgré les apparences, à condition de "ramasser" la main, doigts joints, sur ce doigt. L'alignement du petit doigt de la main avec le cubitus de l'avant-bras constitue, pour le mouvement de balancement du vibrato la "charnière" de ce mouvement. Tout se passe, pour prendre une comparaison comme si deux gamins se plaçaient de chaque côté d'une porte et la poussaient dans un sens et dans l'autre, alternativement. La porte tournerait autour de ses gonds, de sa charnière. Ce sont le docteur Kapandji et le professeur Castaing qui m'ont appris cela. (Voir en particulier la brochure "La pro-supination" du professeur Castaing, destinée aux étudiants en médecine : texte et schémas des pages 22 et 23).
En poursuivant la comparaison, on pensera à une porte à tambour, qui tourne autour d'un pivot central. Si les gamins s'amusent à la faire tourner alternativement dans un sens et dans l'autre, tout se passera comme pour le vibrato sur le majeur (et celui de la louche).
Mais revenons au vibrato sur l'index. Je cite une phrase du professeur Castaing dans sa brochure sur la pro-supination: "Il suffit que la main se mette en légère inclinaison ulnarienne (adduction) pour que l'axe de rotation, l'axe de pro-supination, passe par l'index qui devient alors le doigt-pivot de la main".
Tu auras certainement pigé du premier coup !
Cependant, je te donne quelques conseils "simples" pour réussir le vibrato de l'index:
- Amener le majeur par dessus l'index et l'y tenir collé en permanence.
- Pendant le vibrato du quatrième doigt, ne laisser aucun autre doigt et surtout pas l'annulaire en appui ou en contact avec la corde, j'ai déjà cité des témoignages irréfutables sur ce point (Judith Glyde).
- Grouper les doigts rassemblés pendant le vibrato. A la rigueur, le petit doigt peut se libérer un peu de son voisin.
- Bien laisser le pouce en contact avec le dessous du manche, sans appuyer. La pulpe du pouce doit sentir les balancements de la main, et se balancer avec elle de façon passive
.
- Ne pas faire de vibrato sans le pouce, comme je le vois faire même par des violoncellistes habiles. Ce n'est pas un "défaut" mais c'est une mauvaise habitude.
- Le bras (sens strict du terme), ne doit pas participer au vibrato. Son rôle ne consiste qu'à élever le coude à la hauteur adéquate pour favoriser les alternances de prono-supination... de l'avant-bras.
- Et, ce que j'ai déjà écrit au moins dix fois: le vibrato ne peut s'exécuter qu'en JEU HAUT. Il est impossible et inutile d'essayer en JEU BAS. Revoir tous les messages que j'ai publiés sur ces deux styles de jeu.
Enfin, je voudrais évoquer le processus global d'apprentissage du vibrato. Il y en a deux qui font l'objet d'un choix le plus souvent personnel.
Premier procédé: on choisit des phrases d'un texte musical, de préférence un adagio car on vibre sur des notes longues. On se fixe une "image mentale" du vibrato que nécessite la valeur émotionnelle de la note et de la phrase... et on s'applique, tant bien que mal, par de nombreux essais-erreurs, à obtenir le résultat souhaité. On y réussit, ou non ! Très souvent, on ne réussit qu'à crisper la main sur le manche du violoncelle.
C'est la démarche du célèbre violoniste J. Heifetz qui disait: "Ce n'est pas le geste qui fait la musique, c'est la musique qui fait le geste!"
Second procédé: On ne s'occupe pas de la musique et de son aspect émotionnel. On s'applique à produire le mouvement du vibrato. On se fixe seulement ses paramètres de vitesse et d'amplitude. On se dit : je vais essayer de faire un vibrato lent et ample, ou rapide et serré. On étudie le mouvement scientifiquement, comme je l'ai montré ci-dessus, à l'aide des enseignements des spécialistes de la motricité... plutôt que des violoncellistes.
A la suite de quoi, si on pense avoir maîtrisé les mouvements, on les applique à la musique.
Ces deux procédés sont inverses l'un de l'autre du point de vue du fonctionnement du cerveau. Les spécialistes distinguent en effet le cerveau droit et le cerveau gauche. Le premier saisit les phénomènes de pensée globalement, immédiatement, sans étape intermédiaire de raisonnement. Si on demande à quelqu'un dont le cerveau droit prédomine comment il a fait pour trouver : cette personne s'étonne. Elle répond: "mais c'est naturel ! Cela va de soi !".
C'est tout le contraire pour les gens du type "cerveau gauche" (dont je suis!). Ils ne peuvent cheminer d'une hypothèse aux démonstrations que par étapes, sans sauter l'un des maillons du raisonnement, car ils seraient perdus.
Il y a quelques années, j'ai fait une conférence lors d'un congrès international sur "Main et Musique", à Lyon. Je pensais plus ou moins ennuyer les auditeurs avec ce sujet. A mon agréable surprise, à la fin de mon exposé, certains m'ont accompagné dans l'escalier du palais des congrès pour en savoir davantage.
J'en termine car maintenant, vous saurez tout sur votre façon d'apprendre à vibrer, et bonne chance !
Pierre Lagoutte, l'un des dix ou quinze Français spécialisés dans l'application de la biomécanique au geste instrumental.
Pierre Lagoutte, chercheur en biomécanique appliquée au geste instrumental, tous instruments confondus.